Le Taijiquan inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO
Après 12 ans d’attente et de bataille, le 17 décembre 2020, le Taijiquan est enfin inscrit à l’Unesco.
Un long processus de recherches historiques, de traductions des concepts cosmologiques chinois et de documentation a permis à la Chine d’obtenir une réponse favorable.
La demande de reconnaissance par l’UNESCO. 6 demandes, 12 ans d’attente...
En 2006, la Chine reconnaît le Taijiquan comme patrimoine immatériel de sa culture.
Le Taijiquan est ainsi inscrit comme élément culturel majeur en Chine.
En 2008, la Chine décide d’aller plus loin et de faire reconnaître le Taijiquan par la prestigieuse organisation mondiale culturelle qu’est l’UNESCO.
Après examen, le dossier est rejeté. Pas assez de documents historiques, traductions de concepts abstraits trop imprécises... Le dossier n’est pas assez solide.
La Chine comprend que l’ampleur de la tâche et les différences culturelles sont énormes pour que la commission puisse comprendre et adhérer au concept de Taijiquan.
A partir de 2009, une mesure ajoutée par l’Unesco complique encore la tâche : l’UNESCO n’accepte qu’une demande par pays et par année. Ainsi, en plus de la difficulté imposée par l’UNESCO, le Taijiquan doit se battre avec plus de 42 éléments que souhaite faire reconnaître la Chine et prioritaires comme la médecine traditionnelle chinoise, la calligraphie ou encore le boulier...
Pendant ce temps le ministère des affaires culturelles chinoises charge la communauté représentative du Taijiquan en Chine de récolter, d’approfondir et d’organiser les documents historiques et les connaissances spécifiques.
C’est ainsi que des ouvrages historiques sortent des familles, des lignées, des clans.
Ils est demandé que seuls les éléments pouvant être vérifiés par ces documents et donc par l’histoire soient pris en compte.
C’est ainsi que l’histoire et la philosophie du Taijiquan se met en forme et est inscrite dans le dossier de candidature.
De ce travail gigantesque à travers toute la Chine émergent et sont inscrits les éléments suivants :
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Le Taijiquan est né à Chenjiagou dans le Henan de son fondateur Chen Wangting.
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A la différence de personnages parfois romancés, Chen Wangting a bien existé et s’est illustré au service de l’empereur Ming Chongzhen.
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Un poème de l’empereur Qianlong vantant les prouesses de Chen Wangting est même retrouvé.
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Les lignées familiales et claniques sont portées à la connaissance du public ou reconstituées à partir des Quanpu (documents de transmission du Taijiquan).
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A partir du Taijiquan de la famille Chen émergent 7 styles. Les styles reconnus car attestés historiquement et issus des familles sont : Chen, Wu, Wuu, Sun, Yang, He, Li.
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Il est possible de remonter les lignées familiales et claniques de ces styles qui comportent toutes des détenteurs qui ont existé et de remonter à Chen Wangting.
Pour chaque style, est inventorié une lignée de transmission de maître à disciple, grâce aux registres du Baishi (cérémonie d’acceptation du disciple en présence de témoins).
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La cérémonie du Baishi est inscrite comme lien de transmission
historique pour la pratique de cet art. Les disciples issus de cette cérémonie ancestrale sont nommés détenteurs de l’art.
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Il est mentionné que de nos jours, des modes d’apprentissages universitaires, sportifs ou culturels existent.
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Les individus ayant reçus ce mode de transmission, sont nommés pratiquants ou professeurs, s’ils ont reçu un enseignement au cours de stages ou dans des clubs sportifs, validés par une fédération sportive reconnue.
Les différences dans les approches pratiques sont expliquées historiquement et
respectées. Toutes les pratiques n’ayant pas été créées avec un contexte, un but, ou des compétences martiales avérées, il est décidé que le mot « boxe », « art martial » ou « combat » n’apparaîtra pas dans la demande de reconnaissance.
Ainsi les détenteurs de la majorité des styles s’accordent sur la désignation de « pratique physique traditionnelle » pour qualifier le Taijiquan.
De plus, les concepts cosmologiques du Taijiquan qui incluent « Jing-Qi-Shen », « Yin-Yang », « Wuxing », « Bagua », ainsi que les bases de la physiologique énergétique Chinoise sont traduits plus finement. Cela permet de relier cette vision chinoise de la nature au principe d’universalité de cette pratique, élément fondamental pour l’inclusion de cette discipline à l’UNESCO.
Prenant en compte ces éléments historiques, la province du Henan est choisie pour diriger le programme avec l’aide des provinces du Hebei, la ville de Beijing et Tianjin.
Dans chacune de ces provinces, des documentaires vidéos, des photos, des commémorations, des compétitions ou rencontres sportives sont organisées pour étayer le dossier et le 31 mars 2019, le dossier final jugé trés solide est transmis à l’UNESCO pour analyse.
La décision finale positive arrive à la joie de tous, le 17 décembre 2020 lors de la 15ème Com de l’UNESCO. La circulaire 8.B.21 expose les modalités de cette reconnaissance.
Cette victoire n’est pas un acquis statique permettant de protéger le Taijiquan.
Une série de mesures et de défis, exposés dans un plan quinquennal, attendent la communauté internationale du Taijiquan dont la Chine en est garant :
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Continuer à stabiliser la théorie et cadrer la communication sur ces éléments.
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Différencier les pratiquants et professeurs des individus détenteurs : Il est rapellé que c’est la transmission
dans la cadre de lignée clanique ou historique grâce à la cérémonie du Baishi qui permet la qualification de détenteurs. Les maîtres sont responsables d’écrire leurs disciples dans les Quanpu, de les compiler et de les préserver. Ces Quanpu sont visés par l’état, constituant ainsi ce patrimoine historique ininterrompu.
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Délivrer une qualification solide des professeurs et pratiquants pour promouvoir la culture du Taijiquan à travers le monde.
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Restaurer les monuments commémoratifs des familles ou clans détenteurs du Taijiquan.
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Organiser des échanges et compétitions pour dynamiser la pratique.
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Organiser la recherche sur le Taijiquan en respectant les bases historiques et culturelles.
L’UNESCO évaluera la réussite de ces tâches et leurs évolutions dans 5 ans.
En conclusion, cette belle reconnaissance est une magnifique occasion de communication, de perfectionnement et de partage autour de cet art.
Avec cette victoire, la Chine et les détenteurs de cet art qui ont acceptés de le faire partager au monde, souhaitent également recentrer les compétences de chacun dans le respect des traditions ou de l’enseignement reçu.
La Chine à travers les textes adoptés invite les pratiquants à se positionner correctement face à cela.
Il est à noter que le mot « Quan », » boxe », ou par extension « art martial » n’est aucunement mentionné dans les textes. Ce choix, par réalité pour certains styles, ou par volonté de rassembler autour d’une pratique universelle humaniste, ne doit pas nous faire oublier sa fonction première.
Il appartient, à chaque professeur et pratiquant, d’intégrer ou non cette réalité dans sa pratique et son enseignement dans un souci de vérité.
Article écrit par Matthieu Tachon
Ambassadeur International du Taijiquan
Détenteur du Taijiquan Xiaojia de Chenjiagou
Participant au dossier de reconnaissance à l'UNESCO avec le film Da Dao Taiji